Chasseurs d’hier…
La photographie a jauni, marque du temps qui passe…ou alors elle était jaune, sépia, comme en ce temps là. Reste un magnifique tableau d’époque. Une icône de la vie villageoise mettant en scène une belle bande de fiers gaillards – ils sont quatorze, qui n’avaient pas froid aux yeux lorsqu’ils prenaient la pose.
Quelle date ? Les guêtres du premier personnage à gauche évoquent les uniformes de la grande guerre, les poilus de 14-18. La route qui coupe Fourilles n’est pas encore goudronnée mais il y a déjà une réclame sur le pignon du préau de l’école ( aujourd’hui la médiathèque ! ). En fait, la photo a été prise durant la dernière (sic) guerre, sans doute en 42 ou peut-être en 43. Les figurants sont les chasseurs de Fourilles. Ils viennent de faire une battue aux lapins et ils ont fait un joli tableau : une bonne vingtaine de connils dont ils sont fiers : les garennes ont été bien étalés : la table a été mise pour l’occasion et on a même sorti une vieille trompe de chasse achetée à l’ancan chez Barbarin au Coq pour rendre la scène plus solennelle ou tout simplement pour rigoler. Tout autour, les hommes sont joliment bien plantés, tous côte à côte. Les gars sont d’autant plus fiers que la battue a été faite au profit des prisonniers de guerre : la chasse comme bonne action, l’entraide, ce qu’on appelle depuis le moyen âge la solidarité villageoise et où chacun prend sa part. L’importance du tableau de chasse renvoie aux temps où la chasse est d’abord vécue comme une activité ancestrale de cueillette. La chasse fait encore partie de l’économie générale des campagnes et elle est alors comprise de tous : c’est l’époque bénie d’avant la myxomatose. La photo frappe aussi par l’impression de cohésion qui se dégage du groupe : les paysans côtoient le meunier, le maçon, les bistrotiers, le marchand de besugnes et le militaire de carrière, unis par la même pratique. Ne manquent que l’instituteur et le curé.
Une question, technique, et donc anecdotique : Pourquoi n’apparaît-il aucun fusil sur la photo ? Est-ce parce qu’ils avaient été posés chez Constant, juste en face pour « bouère chopine » ou est-ce parce que les lapins avaient été boursés, les fusils ayant été « mis à l’abri » durant la guerre ?
Ordre d’apparition des personnages de gauche à droite :
Jean-Baptiste Sancelme, dit « Nouel », meunier de son état, maire de la commune un temps.
Alexandre Constant, bistrotier de légende dont l’établissement était très couru.
Georges Allier, militaire de carrière, officier, appelé « le commandant Allier ».
Henri Langiaux, agriculteur, également maire à ses heures. Derrière lui, un visage masqué : peut-être celui de Henri Melou ?
Julien Boissonnet ,dit « Jean », l’homme à la trompe. Homme de conviction, voyageur, bourlingueur aux cent métiers. Devant lui, sa fille, Simone, bouche bée, à qui nous devons la photo et que nous remercions chaleureusement.
Henri Robert. Le grand, petite moustache et béret, marchand de bois et charbon, vigneron, ancien maire lui aussi.
Marcel Chesseret, chauffeur des Etablissements Chadoutot à Vichy, puis croque-mort enjoué.
Jean-Baptiste Thuizat, dit « l’vieux r’na », mythique tueur de lièvres, rembûché à l’Ouche.
Marcel Marchand, alors fermier à la Veauvre.
Elie Tourret, émigré à saint pourçain.
Henri Mounin, aux belles bacchantes, maçon, déjà maire.
Chavenon, dit « cent mille mouchoirs », frère de « Lélise » Constant.
Roger Tourret, dit « Marmion », agriculteur au bourg.
Jean-Pierre Gaillard, Président de l’ACCA de Fourilles, année 2006